
« La numérisation fait bien plus que dématérialiser les processus papier »
Oct.. 2023Le dossier électronique du patient
Pour que la numérisation soit fructueuse, il faut avoir le courage de repenser en profondeur les processus, explique Martine Bourqui-Pittet, directrice depuis novembre 2022 du bureau de coordination d’eHealth Suisse (eHS). Comme centre de compétences et de coordination de la Confédération et des cantons, eHS prend en charge les tâches formelles d’exécution dans le domaine de la cybersanté, sur la base de la loi fédérale sur le dossier électronique du patient (LDEP).
Madame Bourqui-Pittet, quelles sont les tâches essentielles d’eHealth Suisse en vue de l’introduction du dossier électronique du patient (DEP) ?
Nous sommes responsables des standards et normes et publions les spécifications techniques. Nous mettons également en réseau les communautés de référence (les fournisseurs de DEP) et les conseillons sur le plan technique. En outre, nous préparons des formats d’échange afin de disposer des données structurées, par exemple pour le carnet de vaccination électronique, et nous communiquons avec les parties prenantes. Tout citoyen peut par exemple nous poser des questions sur le DEP.
Quels sont à vos yeux les principaux défis du DEP ?
L’un des principaux défis tient à ses nombreux protagonistes: outre les huit communautés (de référence), on trouve trois fournisseurs de plateformes informatiques, trois éditeurs de moyens d’identification et plus de 100 fournisseurs de systèmes primaires, soit de logiciels utilisés par exemple dans les cabinets de physiothérapie ou de médecins. Or tous ces systèmes doivent pouvoir communiquer entre eux. Et il nous incombe de faire mieux connaître le DEP. Nous n’en retirerons une plus-value mesurable que lorsque les fournisseurs de prestations seront nombreux à s’y affilier et quand beaucoup de gens auront ouvert leur DEP.
Comment peut-on convaincre les professionnels de la santé de la plus-value du DEP ?
Nous devons garantir la convivialité du DEP. Par exemple, les fournisseurs de prestations n’auront pas à saisir deux fois les mêmes données, et doivent pouvoir transférer d’un simple clic les documents de leur système primaire dans le DEP. Nous veillons à rendre possible cette intégration en profondeur, nous proposons notre assistance technique et avons conçu du matériel d’information dans ce sens. Enfin, il nous faut montrer que le DEP facilite la collaboration interprofessionnelle.
Et comment peut-on convaincre le grand public de la plus-value du DEP ?
Aujourd’hui déjà, le DEP constitue un réel progrès dans bien des situations. Par exemple, si quelqu’un se rend aux urgences, le médecin y trouve aussitôt toutes les informations importantes, par exemple sur ses allergies. Nous devons faire connaître de tels cas d’application (use cases). Le DEP gagnera encore en utilité quand de nouveaux formats d’échange viendront s’y ajouter, comme le plan de médication électronique.
Qu’espérez-vous encore obtenir avec le DEP ?
De nouveaux formats d’échange sont en préparation, comme un passeport d’urgence, le transfert de service ou le passeport d’allergie signalant toutes les intolérances. Nous faisons aussi en sorte que les directives anticipées du patient puissent être enregistrées dans le DEP. Il sera ainsi une mine d’information pour tout ce qui touche à la santé. En outre, il est prévu de simplifier les processus comme l’ouverture du DEP – aujourd’hui déjà, près de la moitié des communautés de base proposent une ouverture en ligne.
Que reste-t-il à faire, en dehors du DEP, pour accélérer la numérisation du secteur de la santé ?
Ce qui nous tient le plus à cœur, c’est d’établir des standards et des normes afin que tous les acteurs parlent un même langage. Et nous devons comprendre le véritable enjeu de la numérisation, qui va bien au-delà de la dématérialisation des processus papier. Il nous faut repenser les processus et avoir le courage de les structurer différemment. DigiSanté, programme du DFI visant à promouvoir la transformation numérique du secteur de la santé, représente déjà un grand pas dans la bonne direction.
Contact
Martine Bourqui-Pittet
directrice du bureau de coordination d’eHealth Suisse
martine.bourqui@e-health-suisse.ch